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gretter que cet épisode ait disparu des mémoires que nous publions ; mais c’est la seule lacune importante, et ces volumes offriront d’ailleurs le tableau le plus fidèle des actes et des pensées de M. Barrot pendant les années agitées où les générations libérales ont si souvent passé de la confiance au découragement. Pas plus qu’un autre il n’a échappé à ces alternatives, mais il a eu sur beaucoup d’autres l’avantage de rester fidèle à ses convictions et de conserver l’intégrité de sa foi politique dans la bonne comme dans la mauvaise fortune.

M. Odilon Barrot était de forte race. Il appartenait à une de ces bonnes familles bourgeoises qui, pendant plusieurs siècles, vivaient dans le même lieu, y exerçant la même profession, sous les yeux de leurs concitoyens : mais son père dut à la considération dont il jouissait dans le département de la Lozère l’honneur d’être nommé membre de la Convention nationale, et l’enfant, âgé de trois ans à peine, fut bientôt ramené à Paris pour y entendre, de la rue Neuve-Saint-Roch, où demeuraient ses parents, le canon de vendémiaire. Ce fut sa première impression. La seconde et la plus durable fut celle des basses flatteries dont, au collége, professeurs et élèves accablaient l’idole impériale : il ne cachait pas le dégoût qu’il en ressentait, et ses sentiments bien connus auraient, si l’empire avait duré, écarté de lui la faveur du maître. Mais l’empire ne dura pas, et il fut de ces jeunes gens qui, tout en gémissant sur les désastres de la France, acceptèrent avec satisfaction une restauration qui semblait