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tion voulait combattre la réaction que le régime sanglant de la Terreur avait provoquée. Une si flagrante illégalité souleva plusieurs sections dans Paris, celles particulièrement dites de la Butte-des-Moulins et du Théâtre Français, les plus rapprochées des Tuileries où siégeait la Convention.

Nous habitions alors dans une des maisons de la rue Saint-Roch qui faisait face aux croisées latérales de l’église : nous étions à dîner, lorsqu’un coup de feu retentit ; il était dirigé sur un cavalier qui portait un message de la Convention. Mon père ouvrit la fenêtre, vit tout de suite ce qui se préparait, et, après nous avoir embrassés, après avoir bien recommandé à notre mère de fermer les volets et de nous transporter dans une espèce de galetas au grenier, il sortit pour aller où l’appelait son devoir.

Les canons que le général Bonaparte avait braqués contre la rue et l’église Saint-Roch, dont l’insurrection avait fait une sorte de poste avancé contre la Convention, retentirent une partie de la nuit ; et le matin, lorsqu’on ouvrit mes fenêtres, je vis des hommes occupés à jeter dans des tombereaux les cadavres de ceux qui avaient succombé dans le conflit de la veille.

La Convention croyait avoir sauvé la république, elle n’avait fait que fournir un précédent à l’homme qui devait à son tour l’absorber.

Ce fut un peu plus tard que se passa à Planchamp un horrible drame qui plongea mon père dans une profonde douleur. Il s’était organisé dans les montagnes de l’Ardèche des bandes que le fanatisme religieux et politique avait pu réunir à l’origine, mais qui, sous le prétexte de combattre la Révolution, se livraient contre les personnes et les propriétés à des actes de véritable brigandage ; elles sont connues dans l’histoire sous le nom de Camp de Jalès. Or, il