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des droits individuels, ce sont les principes qui permettent aux nations de se gouverner elles-mêmes. — Aussi se désespérait-il de voir que, dans tous les camps, l’esprit de parti subordonnait le fond à la forme, et que chacun aimait mieux laisser périr la France que de la sauver par d’autres voies que la sienne propre. Que de fois, depuis trois ans, je l’ai entendu déplorer qu’il ne se formât pas, dans l’Assemblée actuelle, une majorité disposée à accepter la seule forme de gouvernement qui soit aujourd’hui possible, tout en l’entourant d’institutions libérales et conservatrices[1] ! Bien que radical lui-même en beaucoup de points, M. Odilon Barrot ne se dissimulait pas le danger de ce radicalisme violent et anti-social auquel il avait si énergiquement résisté en 1848 et 1849 ; mais, pour le vaincre, il comptait sur les forces morales bien plus que sur les forces matérielles, sur la liberté bien plus que sur la compression.

La meilleure partie de la vie de M. Odilon Barrot s’est partagée entre trois époques mémorables par les grandes luttes dont elles ont été le théâtre : la lutte des idées libérales contre les passions et les préjugés de l’ancien régime ; le triomphe de ces idées bientôt compromis par de tristes divisions et par la prédominance malsaine des intérêts sur les opinions ; une nouvelle lutte contre les violences révolutionnaires et contre la folle tentative d’une aveugle réaction. À

  1. 1. Depuis que ces pages sont écrites, l’Assemblée a fait ce que M. Barrot lui conseillait. Dieu veuille que ce ne soit pas trop tard !