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année, chez son ami M. Corbin, il menait la vie la plus active et la plus saine ; et, pendant la durée de l’Empire, j’ai eu la satisfaction de le recevoir chez moi, chaque année, avec plusieurs de ses anciens collègues, qui l’aimaient tous. De ceux qui lui ont survécu, il n’en est pas un qui ne sente douloureusement la perte que la France a faite, et qui ne le regrette comme un ami.

En perdant M. Odilon Barrot, la France a perdu un des plus illustres représentants de cette forte génération libérale qui, formée, après la tyrannie de l’Empire, dans les luttes de la Restauration, croyait avoir fondé, en 1830, un gouvernement solide, durable, éloigné de tous les excès, et capable de donner à la France ce que l’Angleterre possède depuis plus de cent cinquante ans. À son grand regret, ce gouvernement est tombé ; mais la France n’est pas tombée avec lui, et, fidèle à ses vieilles convictions, M. Barrot a cherché à les faire prévaloir sous les divers régimes qui ont suivi. Non qu’il ait cessé de préférer la monarchie constitutionnelle et parlementaire à la république : dans les derniers temps de sa vie, il professait encore sa prédilection pour cette forme de gouvernement, plus propre qu’aucune autre, selon lui, à donner à la France la plus grande somme de liberté, sans compromettre l’ordre public. Mais, avec tous les vieux libéraux, il pensait que la forme du gouvernement est un fait secondaire qui peut varier, selon l’esprit du temps. Ce qui doit rester invariable, disait-il, sous la république comme sous la monarchie, c’est le respect