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compléta son travail par un nouveau livre sur l’organisation judiciaire. Ici, la contradiction fut plus générale et plus forte. Ainsi, on ne niait pas « que le respect du droit ne fût l’ancre de salut des sociétés modernes » mais quand l’auteur ajoutait que « la justice n’était pas organisée en France de manière à être la garantie de tous les droits » et que, pour bien remplir ses éminentes fonctions, « la magistrature française n’était ni assez élevée, ni assez forte », M. Odilon Barrot s’attaquait tout à la fois à des intérêts puissants et à l’esprit légiste, qui a joué un si grand rôle dans notre histoire. Il était, d’ailleurs, impossible de diminuer notablement le nombre des magistrats, sans séparer le fait du droit en matière civile comme en matière criminelle, et sans donner au jury le jugement du fait. Proposée par Duport à l’Assemblée constituante ; par Cambacérès en l’an III ; par M. Odilon Barrot lui-même en 1848, cette réforme avait toujours échoué contre les habitudes invétérées de l’ordre judiciaire ; et aussi, il faut le dire, contre de graves objections. Cette fois encore, à l’Académie des sciences morales et politiques, dont il était membre, M. Odilon Barrot eut à la défendre contre d’habiles jurisconsultes, et il ne réussit pas à la faire triompher. Mais, dans ce débat, où il se présentait affaibli par l’âge et par la maladie, il retrouva toute la vigueur, toute la verdeur de son talent. M. Barrot, d’ailleurs, avait embrassé dans son écrit toutes les questions relatives à la procédure civile ou criminelle, dont il signalait les vices, et dont il proposait la réfor-