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beaucoup de force toutes les raisons qui devaient justifier un nouvel appel au pays contre une constitution manifestement imparfaite. Par malheur, les orateurs légitimistes, M. Berryer, M. de Falloux, donnèrent un tout autre tour au débat en soutenant la révision comme moyen de rétablir la monarchie. C’était mettre l’Assemblée en demeure de choisir entre la république et la monarchie, et lever tous les doutes de la gauche si elle avait encore hésité.

La révision de la constitution était définitivement rejetée, et, à partir de ce moment, le coup d’État se prépara ouvertement. On le savait à droite comme à gauche ; mais, ni d’un côté ni de l’autre, on ne voulut faire le plus léger sacrifice pour s’y opposer. La droite détestait la gauche, la gauche craignait la droite plus que le président et, à droite comme à gauche, on oubliait que ce n’était pas trop de toutes les forces parlementaires réunies pour résister au chef du pouvoir exécutif, maître de l’armée et de l’administration. Sur ce point, M. Barrot était plus clairvoyant que la plupart de ses collègues ; il sentait que tout ce que l’on faisait contre la république on le faisait pour l’usurpation, et alors, comme vingt ans plus tard, il sacrifiait à son devoir de bon citoyen ses prédilections personnelles. Dans les jours qui précédèrent la catastrophe, il se tint à l’écart, espérant toujours que quelque heureuse circonstance lui permettrait d’intervenir entre les belligérants. Mais le 2 décembre, quand l’acte fut accompli, il fut de ceux qui conseillèrent la résistance et qui en prirent l’initiative. C’est dans sa