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che qui, de nos jours, a été adressé à un autre homme d’État, le reproche de ne pas destituer tous les fonctionnaires républicains. Quand donc, au mépris des grands services qu’il avait rendus, le président jugea à propos de lui enlever brusquement le pouvoir pour le mettre dans des mains complaisantes, cet acte inouï produisit dans l’assemblée plus d’étonnement que de colère, et elle n’y répondit pas, comme elle aurait dû le faire, par un refus de concours énergique et motivé. C’était le préliminaire du coup d’État de Décembre, et, à partir de ce moment, l’Assemblée ne dut pas douter du sort qui l’attendait.

M. Barrot avait amèrement ressenti l’injure qui lui était faite ; mais il n’était point homme à prendre conseil de son mécontentement personnel, et sa politique resta la même. Il ne cessa donc pas de poursuivre, dans une assemblée plus que jamais divisée, la conciliation des pouvoirs et des partis, sur le terrain neutre de la république modérée, et on le trouva également opposé aux projets de restauration monarchique et aux conspirations impérialistes. Au moment de la fameuse revue de Satory, il était de ceux qui voulaient convoquer l’Assemblée pour lui dénoncer le complot, et il regretta vivement l’inaction qui prévalut dans la Commission de permanence. Quelques mois plus tard, quand le président destitua le général Changarnier qui avait toute la confiance de la Chambre, il vit dans cet acte inattendu une déclaration de guerre au Parlement, et, appelé à l’Élysée avec plusieurs de ses collègues pour entendre de la bouche même du Prési-