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Il fut pourtant, quand eut lieu l’élection présidentielle, de ceux qui adoptèrent et soutinrent la candidature du prince Louis-Napoléon Bonaparte. C’était un mouvement presque général dans ce que l’on appelait : les vieux partis, et bien peu d’entre nous surent y résister. Je m’honore d’avoir été de ceux-là, avec mon ami M. de Rémusat ; mais M. Odilon Barrot était dans une autre situation ; il avait eu d’anciens rapports avec plusieurs membres de la famille Bonaparte ; il la jugeait moins sévèrement que nous, et il espérait que la popularité du nom servirait à établir un gouvernement libéral et modéré. Après l’élection, appelé d’un consentement commun à devenir le chef du ministère, il accepta cette mission sans en prévoir toutes les difficultés. Dès les premiers jours, en effet, il se trouva placé entre les prétentions personnelles du nouveau président, et l’impatience du parti républicain, mécontent de son échec et disposé à faire obstacle au gouvernement. Pour surmonter ces difficultés, il ne suffisait plus d’être un grand orateur, il fallait encore être un homme d’État consommé ; et M. Odilon Barrot prouva qu’en le mettant à la tête du gouvernement ses amis l’avaient bien jugé. Chaque jour sur la brèche, il devait au même moment réprimer les velléités de pouvoir absolu qui éclataient dans les actes comme dans les discours du président, et contenir les défiances légitimes d’une grande portion de l’Assemblée qui menaçaient de faire explosion. Il suffit à cette double tâche et, grâce à ses efforts, grâce aussi à l’estime qu’il ins-