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pagner le roi Charles X jusqu’à la frontière, LouisPhilippe montra la confiance qu’il avait en lui, et pour savoir avec quelle modération généreuse il s’acquitta de cette honorable mission, il faut lire le récit qu’il en a fait, et surtout les pièces justificatives qu’il avait recueillies et que nous publions.

Dans cette mission si délicate, il eut le bonheur de mériter tout à la fois l’approbation du gouvernement nouveau et les remerciements du vieux roi, auxquels se j oignit au dernier moment une marque de confiance de madame la duchesse d’Angoulême. Choisi, à son retour, pour la préfecture du département de la Seine, il sut, en face des plus graves complications, concilier les devoirs du fonctionnaire et les opinions du citoyen jusqu’au jour où, membre de l’assemblée, il crut qu’ils n’étaient pas compatibles. Ce jour-là il rompit, sans hésiter, les derniers liens qui l’attachaient à l’administration et il resta, comme soldat indépendant, dans le camp qui lui paraissait être celui de la justice et du droit.

Mais il ne devait pas être longtemps soldat. Il est souvent arrivé que, dans leur passage du barreau à la tribune, des avocats célèbres ont trompé l’attente publique. Il parut bientôt, au contraire, que dans ce passage redoutable le talent de M. Odilon Barrot avait grandi et qu’il était orateur politique encore plus qu’avocat. A peine avait-il été quelques jours dans la Chambre que l’opposition libérale reconnaissait son chef, et personne plus que lui n’était digne de la diriger. Investi par son parti d’une grande et juste con-