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acte iii, scène ix.

son ; vous me croyez le cœur dur, vous vous trompez… c’est mon affection pour Rodolphe qui m’a fait vous parler ainsi ; car c’est une question d’avenir pour lui, et puisque vous l’aimez…

Mimi.

Oh ! oui, je l’aime, allez.

Durandin.

Eh bien ! vous devez me comprendre. Il a besoin de voir le monde, de se faire connaître…

Mimi.

Mais je ne l’on empêche pas… Si vous croyez que ça puisse lui faire du tort qu’on le voie avec moi, nous ne sortirons jamais ensemble. Il gardera tout son argent, je ne demande pas mieux. Ce que je gagne me suffira pour vivre ; je ne mange pas tant.

Durandin.

Non, non, nous ne nous entendons pas ; mon neveu n’accepterait pas ce traité-là. Il resterait auprès de vous et ce serait fini. Il aurait pu avoir une position, et il végétera éternellement… et c’est vous qui en serez cause.

Mimi.

Mais je ne l’empêche pas de travailler.

Durandin.

Vous ne l’en empêchez pas… Vous croyez que les travaux d’intelligence et les travaux d’aiguille c’est la même chose. Dans une vie de tourmens et de privations de toutes les heures, l’intelligence s’épuise, et l’on en vient à maudire ceux qui sont cause de…

Mimi.

Oh ! monsieur, ne me dites pas ça.

Durandin.

Oui, il vous maudira ; car vous aurez fait plus que de le tuer lui-même, vous aurez tué sa pensée.