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la vie de bohême

Durandin.

Eh bien ?

Rodolphe.

Eh bien ! tant pis pour les autres.

Durandin.

En l’épousant, tu aurais du côté de ta femme seulement quarante mille livres de rentes… Tu aurais une position calme, tranquille, tu aurais des enfans.

Rodolphe.

Oui, c’est ça, beaucoup d’enfans et des lapins ; merci, ça ne peut pas m’aller. Il me faut de l’air, de la liberté, une vie accidentée, orageuse si vous voulez… quitte à ne pas dîner tous les jours, ça m’est égal. Les jours de bombance, je mangerai pour un mois.

Durandin.

Tu ne feras jamais rien de ta vie, tu suivras les traces de ton père.

Rodolphe.

Ah ! mon oncle, ne parlons pas de ça, ne remuons pas les cendres.

Durandin.

C’est très-bien, mais il n’en est pas moins vrai que mon frère aussi n’a voulu en faire qu’à sa tête, et que lorsqu’il est mort, il devait à tout le monde.

Rodolphe, sérieux.

Excepté à vous, mon oncle.

Durandin.

Il fallait peut-être me saigner aux quatre veines pour soutenir un fou…

Rodolphe.

Non, mon oncle, vous avez bien fait. Après tout, mon père m’a laissé un nom honorable, un nom que l’on répète, et des tableaux que l’on admire ; mais, encore une fois, ne parlons pas de ça.