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étude sur les sépultures barbares

rapprocher en rien des antiquités que l’on recherchait naguère à Rome ou à Athènes[1].

« Les ruines que ces farouches conquérants semaient partout sur leur passage, — dit M. F. de Lasteyrie, — la façon dont ils foulèrent aux pieds les derniers vestiges de la civilisation antique, ont attaché à leur nom un tel souvenir de barbarie, qu’on s’est trouvé tout naturellement conduit à en conclure que de pareilles gens ne devaient avoir eux-mêmes aucun art, aucune industrie propre. Longtemps cette opinion a prévalu. Cependant, l’histoire mieux étudiée et de nombreuses découvertes faites au siècle dernier et dans le nôtre ont fini par démontrer que c’était là une grave erreur… La barbarie diffère en cela de l’état sauvage, que ce qui constitue celui-ci est l’absence complète de toute civilisation, tandis que la barbarie, elle, au contraire, a presque toujours une civilisation incomplète, il est vrai, mais en harmonie avec ses instincts farouches…[2] »

Au lendemain même de la publication du remarquable ouvrage de l’abbé Cochet sur les sépultures franques (1854), un savant antiquaire, M. Hucher, entrevoyait une communauté d’origine entre les objets barbares de la Normandie et du Maine, et la fixait en Orient, point de départ de toutes les tribus conquérantes de l’empire d’Occident[3].

Il est démontré aujourd’hui, grâce aux recherches scrupuleuses et aux savants travaux de M. le baron de Baye, que les bijoux de toute sorte recueillis dans les tombes des Barbares sont de provenance orientale, et qu’ils doivent être attribués aux Goths. Les études comparatives de tous ces monuments laissés sur notre sol, les découvertes de chaque jour viennent confirmer cette manière de voir. « Donner le nom d’art germanique, — dit cet antiquaire, faisant allusion à M. Lindenschmit et aux savants allemands, — à cette industrie, à cette bijouterie caractéristique de tous les conquérants des empires d’Orient et d’Occident, serait commettre une grave erreur…[4]. » D’ailleurs cette opinion, partagée actuellement par plusieurs savants, est appelée à prendre une place définitive dans la science archéologique ; l’ensemble des faits concluants vient de jour en jour lui donner une force irréfutable.

Il y a vingt-cinq ans environ, cette branche de l’archéologie du haut moyen âge était, pour ainsi dire, absolument ignorée dans le midi de la France. Alors que diverses régions de notre pays, l’Allemagne et l’Angleterre avaient produit des travaux considérables sur cette matière[5], quelques articles extrêmement laco-

  1. A. Bertrand, Archéologie celtique et gauloise, p.382.
  2. F. de Lasteyrie, Histoire de l’orfèvrerie, p. 65.
  3. Bulletin monumental, t. XX, 1854, p. 371.
  4. J. de Baye, L’art des Barbares à la chute de l’Empire romain.
  5. Citons les principaux ouvrages français et étrangers sur cette matière. En France : l’abbé Cochet, La Normandie souterraine, 1854. — Sépultures gauloises, romaines et franques, 1857. — Le tombeau de Childéric 1er, 1859. — Baudot, Mémoire sur les sépul-