Page:Barrière-Flavy - Etude sur les sépultures barbares du Midi et de l'Ouest de la France, Privat, 1893.pdf/32

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
6
étude sur les sépultures barbares

de vivre et par leurs travaux, de se conformer aux usages de cette société qui excitait leur admiration autant que leur étonnement[1].

D’ailleurs, ces Barbares se rattachaient encore à Rome à un autre point de vue. Après leur admission dans l’Empire et leur révolte réprimée par Théodose, ils avaient été conservés comme sujets et servaient en qualité de soldats fédérés. Aucun d’eux ne put en conséquence se soustraire à l’influence romaine. Les Goths gardaient leurs chefs auxquels ils donnaient le titre de roi, mais qui n’en étaient pas moins des officiers à l’égard de l’Empire[2]. Barbares romanisés en quelque sorte, à la solde du gouvernement impérial, ils combattaient à son service tout en conservant leur autonomie.

« Il fallait nourrir et vêtir ces armées, — dit Fustel de Coulanges ; — on ne leur donna pas une solde en argent, mais on leur assigna des provinces à occuper…[3] On donna aux Wisigoths, pour les récompenser des services rendus, les cités de Bordeaux, de Poitiers, de Périgueux, d’Angoulême, de Toulouse. Cela ne signifiait pas que ces pays fussent détachés de l’Empire ni que les chefs wisigoths s’en formassent des royaumes ; on entendait seulement que ces chefs exerceraient sur ces territoires la même espèce d’autorité que les ducs romains y avaient exercée auparavant… Ces provinces devenaient leurs soldes[4] »

Toute l’histoire de l’invasion des Goths est dans ces quelques lignes ; et c’est dans ces conditions et dans cet état de civilisation que ces Barbares firent leur apparition dans le midi de la Gaule au commencement du cinquième siècle. Il y a loin, à coup sûr, du tableau effrayant décrit par la plupart des historiens aux explications vraies et naturelles fournies par Fustel de Coulanges, au moment de l’arrivée de ces alliés de Rome[5].

Ces Barbares pénétrèrent donc sur notre sol en voisins pacifiques ; ils tendaient

  1. Fauriel, Histoire de la Gaule méridionale, t. I, chap. xi. — Mis de Castellane, Notes sur les rois Goths qui ont régné dans le midi de la France. — Toulouse, 1834, p. 20.
  2. Cette opinion de Fustel de Coulanges est absolument en harmonie avec ce que nous apprend Jornandès, l’historien des Goths, qui vivait au sixième siècle. En maint endroit nous le voyons parler de ses compatriotes combattant au service de Rome comme soldats fédérés. Jornandès, lib. VI. « Nam remoti [Gothi] sub regibus viverent suis, reipublicæ tamen Romanæ fœderati erant, et annua munera percipiebant… » Lib. VII : « Quorum et numerus, et millia usque ad præsens in republica nominantur, id est fœderati… » — Lib. IX : « Defuncto ergo Athanarico, cunctus exercitus in servicio Theodosii imperatoris perdurans, Romano se imperio subdens, cum milite velut unum corpus efficit, milliaque illa dudum, sub Constantino principe fœderatorum renovata, et ipsi dicti sunt Federati… » — Voir aussi dans le même esprit : Latinus Paccatus, XII. Paneg. Vet. 12, 22. — P. Orose, liv. VII, chap. XXXIV.
  3. Fauriel (Histoire de la Gaule méridionale, t. I, ch. IV) soupçonnait bien cette sorte d’occupation du midi de la Gaule par les Barbares quand il disait : « … Il semblerait que l’Empire avait entendu ne céder aux Goths, dans la deuxième Aquitaine, que le droit d’habitation et la propriété matérielle d’une portion du pays, non la souveraineté politique du tout… »
  4. Fustel de Coulanges, Hist. des instit. polit. de l’ancienne France, 1re partie, p.363.
  5. Voir entre autres Aug. Thierry, Dix ans d’études historiques, XIII.