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LES PRÉCURSEURS DU SYMBOLISME

chose et par acquérir une valeur intrinsèque ». Il crée le type de Tribulat Bonhommet qui définit l’idéal « une maladie de l’organisme » et symbolise la stupidité prétentieuse du sens commun.

Quelle consolation, en face d’un utilitarisme aussi détestable, de concevoir « la réalité d’un autre espace inexprimable et dont l’espace apparent n’est que la figure » ! Quel réconfort aussi d’atteindre à cet invisible dont les actions humaines sont les si pâles reflets ! Et voici dans ce symbolisme empli d’occultes pensées, à travers un mystère attendri, religieux et ouaté, l’évocation des milieux que les sens ne découvrent point, mais que l’entendement perçoit dans leur éblouissante splendeur. L’humanité est un troupeau d’aveugles devant lequel se joue le drame divin. La Céleste Aventure, l’Intersigne, Vera, Claire Lenoir sont les interprétations en langage humain des explorations tentées dans cet invisible. Villiers y prouve que les événements les plus bizarres aux yeux de ceux qui ne sont pas initiés ont cependant leur logique. Le mystère n’est qu’une forme de l’ignorance : « Rien n’est trop merveilleux pour être vrai. » Les manifestations prodigieuses de l’invisible peuvent nous étonner ; elles ne doivent pas nous trouver incrédules ; elles sont une raison de s’humilier devant la divinité, une preuve qu’au-dessus de nous vit un monde auquel doivent aspirer toutes les forces de notre intelligence. Mais l’humilité chrétienne n’est pas la seule attitude que puisse inspirer l’intuition même fortuite de l’Au-delà. L’homme, averti de l’idéal, ira le chercher dans les régions où il se dissimule. Il a le devoir de forcer la porte de l’inconnaissable.

De là ces symboles audacieux où Villiers tente pour son compte la périlleuse entreprise : Akédysséril et l’Ève future. Les héros chez lui sont des surhommes, synthétisant ce qu’il y a de meilleur, de plus élevé, de plus pensant dans l’humanité. Ses héroïnes n’appartiennent pas à cette terre. Ce sont