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LES PRÉCURSEURS DU SYMBOLISME

mais on rencontrera toujours, sans pouvoir le résoudre, cet X contre lequel je me suis autrefois heurté. Cet X est la Parole, dont la communication brûle et dévore ceux qui ne sont pas préparés à la recevoir…

» Aussi, peut-être un jour le sens inverse de l’Et verbum caro factum est sera-t-il le résume d’un nouvel évangile qui dira : Et la chair se fera le Verbe, elle deviendra la parole de Dieu. » Or, cette glorification du Verbe ne sera pas sans influencer fortement parmi les symbolistes les virtuoses du langage. Vraies ou fausses, les théories accréditées par Louis Lambert se résument ainsi :

1° Les spécialistes et par conséquent les poètes n’ont rien et ne peuvent avoir rien de commun avec le vulgaire ;

2° La folie n’est pas un délire de l’intelligence, mais la traduction devant des ignorants des secrets de l’absolu ;

À une révolution philosophique correspond une révolution linguistique ;

4° L’idée et le terme se confondent ; le verbe est une source d’inspiration nouvelle, une puissance créatrice d’images, un moyen de révéler l’infini.

Aussi paradoxales que paraissent ces opinions, elles devaient recevoir de l’avenir une confirmation inattendue. À ce point de vue Louis Lambert était un précurseur. Ses théories mises à part, Balzac démontrait, grâce à lui, qu’il y avait une littérature de l’invisible et prouvait avant le Spirite de Gautier et la Tentation de Flaubert, que cette littérature n’était pas dénuée d’intérêt.

9. Au reste, Gérard de Nerval apparaît bientôt comme un disciple indirect de Louis Lambert. Il ne s’élève pas à des conceptions aussi hautes ; il raisonne moins, il sent davantage ; il est d’ailleurs plus artiste que philosophe. S’il ne médit pas de la science, il refuse toutefois de voir en elle l’unique instrument de la connaissance. « L’arbre de la science, écrit-il, n’est pas l’arbre de la vie. » Sur ce point, non seule-