parue. Sa Légende des Siècles est une épopée symboliste qui procède visiblement des Poèmes antiques et Barbares. Dans le Satyre par exemple, elle réalise un des symboles les plus profonds et les plus mystérieux par lequel un poète puisse dramatiser l’antagonisme de la nature et du génie de l’homme. Quant au rythme, si Victor Hugo a dépassé Lamartine, il n’a pas été plus loin que Vigny. Après lui il a pratiqué la césure mobile et l’enjambement, mais à une exception près [1], il a partout respecté la loi constitutive de l’alexandrin. Il n’a pas inventé de mètres nouveaux. Il s’est borné à faire consciemment ce que Lamartine avait fait par négligence et Vigny par souci d’harmoniser la forme avec la pensée qu’elle traduisait.
L’école romantique a donc donné aux symbolistes des
exemples précieux. Avec Lamartine, elle leur enseignait que
la nonchalance et l’imprécision pouvaient être une source
féconde de poésie ; avec Vigny, que l’évocation symboliste
affranchissait le poète d’une rhétorique surannée, avec Victor
Hugo, que l’image et le mot pouvaient être associés pour
traduire par la seule puissance de leurs virtualités représentatives
ou musicales, les forces obscures qui rôdent dans
l’infini. Elle leur apprenait aussi que l’étrange était un
domaine encore inexploré où la poésie vieillissante pourrait
rencontrer plus d’une fontaine de Jouvence. La perversion
de René tourmente Jocelyn et Eloa autant que l’auteur
du Crapaud. Le bizarre est peut-être une dixième Muse. Les
romantiques n’en sont pas certains, mais Sainte-Beuve est
bien près d’en être persuadé.
7. Celui-là est pour les symbolistes un ancêtre précieux ; il est à la fois théoricien et praticien. Il formule le principe et il en donne l’application. Théoriquement, il a vu que l’art pouvait être sinon renouvelé, au moins fécondé par la réintégra-
- ↑ Cf. Stapfer, Racine et Victor Hugo, la note de la p. 294.