des hâbleurs, des plagiaires, des pleutres ou des grotesques [1].
À ce talent de polémiste s’ajoute chez Tailhade un art
curieux des comparaisons mystico-scatologiques. Écoutez le
Petit épicier qui fait ses pâques et s’écrie avec une componction
singulièrement orthodoxe :
Et tous mes fondements sont pleins d’Eucharistie[2].
lisez la Résurrection
[3] où le poète cite « Coppée avec sa fistule
eucharistique », et vous serez plus qu’édifiés. Qu’est-ce, il est
vrai, que ces boutades au prix de la virtuosité lexicographique
de Tailhade ? Ici le poète apparaît après Laforgue, le second
trouveur de mots qui ait vraiment illustré le symbolisme.
Les Dix-huit ballades familières sont à ce point de vue des
sources précieuses d’expressions pittoresques, où l’épithète
toujours juste ne manque jamais de faire image D’où l’écrivain
tire-t-il ces effets ? De mots latins à peine francisés :
O lune senescente
[4], spelunque
[5], rorqual
[6], flatule
[7], homoncule
[8]
—, de l’argot de la haute ou de la basse classe
[9], de
néologismes confectionnés avec une humour surprenante :
les mannezingues
[10], Ferlampier et Coquefredouille
[11], se convomir
[12].
Ces fantaisies philologiques sont facilement pardonnées
à Laurent Tailhade d’abord parce qu’elles sont spirituelles,
ensuite parce que le poète ne les aggrave d’aucun
bouleversement de syntaxe ou de métrique. Amoureux de
- ↑ Cf. particulièrement Au Pays du mufle : les Vieilles actrices.
- ↑ A Travers les grouins.
- ↑ Poésies aristophanesques.
- ↑ Nocturne : Senescent Moon.
- ↑ Rêve antique : la Caverne.
- ↑ A Travers les grouins : le Petit épicier fait ses pâques.
- ↑ Ballade touchant l’ignominie de la classe moyenne.
- ↑ Ballade de la génération artificielle.
- ↑ Cf. A Travers les grouins, passim.
- ↑ Au Pays du mufle : Fête Nationale.
- ↑ Ballade sur la férocité d’andouille.
- ↑ Ballade du 14 juillet.