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LE SYMBOLISME

vers libérés [1], ailleurs des vers libres très sagement écrits [2]. La rime ne l’y embarrasse nulle part ; elle ne commande pas son vers. Quand elle se fait trop rétive, il l’a remplace par l’assonance [3] ; en aucun cas, il ne court l’aventure après elle. La strophe, à son idée, n’est qu’un « vers prolongé, l’écho multiplié d’une image, d’une idée, d’un sentiment qui se répercutent, se varient à travers les modifications des vers pour s’y recomposer » [4]. L’émotion exprimée en détermine la durée. Reste la question de la langue. Là-dessus Henri de Régnier s’avoue traditionnaliste. Toutefois le vocabulaire que nous ont légué nos ancêtres est parfois insuffisant pour exprimer les états de conscience nouvellement étudiés. En pareil occurrence Régnier n’hésite pas à remédier à l’insuffisance de notre lexicologie par de prudentes audaces : « Je crois, disait-il au début de sa carrière, que la langue telle qu’elle est, est bonne. Pour ma part, je m’attache à n’employer dans mes vers que des mots qui sont dans le petit Larousse. Seulement j’ai le souci de les restaurer dans leur signification vraie et je crois qu’il est possible avec de l’art d’en retirer des effets suffisants de couleur, d’harmonie et d’émotion. » Les néologismes, s’il en risque, viendront plus tard ; mais il ne s’aventurera dans cette voie qu’avec circonspection. Il s’est donné pour tâche « d’académiser » le symbolisme. Il y a réussi à force d’art, de tact et d’habileté. Il apparaît le plus tolérable des novateurs et par là il sert de trait d’union entre les représentants du symbolisme intégral et les néo-classiques.



  1. La Vigile des grèves.
  2. Aréthuse : l’Homme et la Sirène.
  3. Poèmes anciens et romanesques : la Vigile des grèves.
  4. J. Huret, op. cit., p. 94.