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LE SYMBOLISME


Le poète, il ne faut pas l’oublier, parle et écrit, pour l’oreille et non pour les yeux. De là, une évaluation différente des e muets dans le vers nouveau : « Le vers régulier compte l’e à valeur entière quoiqu’il ne s’y prononce point tout à fait, sauf à la fin d’un vers. Pour nous qui considérons, non la finale rimée, mais les divers éléments assonancés et allitérés qui constituent le vers, nous n’avons aucune raison de ne pas le considérer comme final de chaque élément et de le scander alors, comme à la fin d’un vers régulier. Qu’on veuille bien remarquer que, sauf le cas d’élision, cet élément, l’e muet, ne disparaît jamais, même à la fin du vers ; on l’entend fort peu, mais on l’entend. Il nous paraît donc plausible de le scander, en le considérant entre les syllabes environnantes comme un simple intervalle, et en cela nous sommes d’accord avec la déclamation instinctive du langage qui est la vraie base de la rythmique, et même la constitue dès qu’elle se met d’accord avec l’accent d’impulsion qui est son élément de variation, et l’intonation poétique, subordonnée à l’accent d’impulsion, accent et intonation qui comptent, puisque le vers et la strophe sont tout ou partie de phrase chantée et sont de la parole avant d’être une ligne écrite [1]. »

Cette série de modifications tend à ramener le vers aux confins de la prose. Gustave Kahn ne le nie pas. Déjà le vers romantique faible ne se distinguait guère de la prose que par la rime. Le vers symbolique peut s’en rapprocher. Il s’en différenciera toujours assez par son rythme, par son nombre, par une certaine sorte de musique. Avec lui s’inaugure un genre intermédiaire, « l’aboutissement nécessaire du poème en prose, créant une poésie à côté, des proses et des cantiques à côté de la loi et des liturgies [2] ».

Les règles de l’ancienne prosodie y sont encore appli-

  1. Préface sur le vers libre.
  2. Préface sur le vers libre.