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LE SYMBOLISME

aussi justes mais aussi neuves que possible. Sur ce point Gustave Kahn est un trouveur de premier ordre. Il a le génie de la comparaison. Il en possède aussi l’audace. Ses poèmes abondent en figures pittoresques, en associations inusitées qui charmeraient davantage si le poète ne préférait au clair cristal des sources l’abondance trouble du déluge. Prises isolément, ces trouvailles d’images forcent l’admiration. Dans l’ensemble, elles accablent. Il y en a trop et de trop violentes.

Mais la grande originalité de Gustave Kahn n’est pas d’avoir été un prodigieux ouvrier de métaphores ou un analyste tourmenté des perceptions subconscientes du moi, c’est d’avoir été l’inventeur du vers libre. Beaucoup ont contesté et contestent encore au poète le mérite de cette découverte. L’origine du vers libre, d’après certains, remonterait bien plus haut. Le vers libre dériverait des tableautins de Gaspard de la Nuit et des poèmes en prose de Charles Baudelaire. Il y en aurait des exemples remarquables dans les compositions lyriques et épiques de M. Pierre de L’Étoile (Louis de Livron), dans le Livre de Jade, de Mme  Judith Gautier, et dans les poèmes qui font suite aux Histoires amoureuses, de Catulle Mendès. Ces écrivains auraient composé des vers libres sans en fixer les règles de façon précise. Le premier théoricien de cette métrique serait, au sens de Mendès, le Péruvien Della Rocca de Vergalo, qui, dans sa Poétique nouvelle, aurait, dès 1880, préconisé les réformes suivantes :

Suppression de la majuscule au commencement de chaque vers ;

Retour à l’inversion dans la phrase et dans la pensée ;

Suite prolongée de rimes masculines et féminines.

Vergalo permet en outre l’hiatus, ne compte pas l’e muet quand il ne s’élide pas et crée la strophe nicarine, composée de vers de 9 ou de 11 syllabes, quelquefois plus, avec césure mobile dite vergalienne.