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LE SYMBOLISME

ture éminemment personnelle, la projection du moi dans l’art, le triomphe de l’individualisme. Mais il avait vite tourné à l’éloquence et même à l’extériorité. Nerval et Baudelaire, en exerçant leur génie sur les matières les plus subtiles, s’étaient efforcés de donner le plus d’eux-mêmes, mais leur subjectivisme n’avait pu dépasser les limites tolérées. Des germes étaient en eux qui ne se sont pas développés. L’œuvre du symbolisme a précisément consisté à retrouver ces semences du subjectivisme et à les féconder. À cette époque où la jeunesse éprouvait le besoin d’un idéal nouveau, le parnasse rayonnait ; mais ses vers étaient trop bien faits. Le réalisme triomphait, mais il avait le tort de considérer les choses comme des estampes ou des documents. L’un comme l’autre s’en tenait trop au contour extérieur des réalités sensibles. La jeune école voulait moins décrire l’individu que faire sentir son âme. L’art voisin que fréquentaient les romantiques, les parnassiens et les réalistes, était la peinture : « Celle-ci les gardait accoutumés aux contours stricts et délimités, découpés, presque sculptés. La génération suivante fut submergée de musique et plus tentée de polyphonie et de détours multiples. » Il s’ensuit que, fortement imprégné des idées de la veille, celles du parnasse et du réalisme, le symbolisme entreprit de réintégrer et de maintenir la personnalité du poète à la place qu’elle avait abandonnée.

Cette esthétique, qui gardait du parnasse le souci de la forme et du réalisme le souci de la vérité, se basait sur ce principe de psychologie subjective : ce sont les idées que l’on possède en soi-même, qui sont les plus claires. Ce sont celles-là qu’il s’agit d’exprimer dans une forme adéquate. Le problème est solutionné dans le premier livre de Kahn, les Palais nomades. Ici le poète entend dépeindre l’état d’âme d’un homme, qui va du connu à l’inconnu, du divulgué à l’inconscient. Son héros part de sensations simples. Il déclare d’abord qu’il est animé d’une vague aspiration vers