pratiques que maniée par un artiste véhément qui eût voué
sa Muse à la glorification de la vie dans toutes ses manifestations
énergiques. C’est pourquoi elle a trouvé l’homme de
sa formule dans Verhaeren. Celui-là est un barbare qui,
devant la frénésie de la vie contemporaine, s’est révélé le
chantre inspiré de la force. Belge, il dédaigne le luth dont
ses compatriotes ont accompagné leurs romances. Il ne
chante pas ; il claironne. Ni pessimiste, ni poitrinaire, il a
de la santé à revendre et son énergie fulgure avec prodigalité.
Il est beau comme la tempête et il a la voix du tonnerre.
Il marche à l’inconnu non pas en limier avisé qui flaire le
vent et s’arrête aux plus minimes indices, mais à la manière
de ces héros d’épopée qui défiaient de leurs flèches les éléments
déchaînés. Verhaeren ne découvre pas l’inconnu. Il se
rue à l’assaut contre lui. Il a constaté qu’
Un vaste espoir, venu de l’Inconnu, déplace
L’équilibre ancien dont les âmes sont lasses[1]…
que
La nature paraît sculpter
Un visage nouveau à son éternité[2].
Il a senti en face de lui tout un monde de forces ignorées.
Il lui a paru que le seul moyen de les connaître, c’était de s’y
jeter à corps perdu. Il a pris son élan et, tête baissée, il a
plongé dans le gouffre :
Comme une vague en des fleuves perdue,
Comme une aile effarée, au fond de l’étendue
Engouffre-toi,
Mon cœur, en ces foules battant les capitales
De leurs terreurs et de leurs rages triomphales.
Vois s’irriter et s’exalter
Chaque clameur, chaque folie et chaque effroi,