une auréole de leur misère ou de leur mal. Ils apparaissent comme de saints martyrs et ils en ont le charme mystique.
Le vrai poète laisse donc avec franchise couler sur tous le
lait de l’humaine tendresse. Il doit savoir, avec non moins de
sincérité, confesser ses propres sentiments. Francis Jammes
pose la règle et s’y soumet. Il sent dans son âme une dualité
qui l’étonné ; il en fait l’aveu : « J’ai tout à la fois, écrit-il,
l’âme d’un faune et l’âme d’une adolescente. » Ses poèmes
analysent les motifs de ces sentiments contradictoires. Ils
tiennent à la virilité même du poète. Francis Jammes se plaît
dans la compagnie des jeunes filles. Il apprécie leur candeur
et la grâce virginale de leur conversation : seules, avoue-t-il,
… les jeunes filles ne m’ennuyent jamais.
Vous savez qu’elles vont d’on ne sait quoi causer
le long des tremblements de pluie des églantiers.
Mais l’homme n’est point qu’une âme, et la chair se satisfait
mal à ces entretiens platoniques. La sensualité trouble
le cœur du poète :
Je souffre dans ma chair ainsi que d’un fer rouge
Je désire une fille avec un âcre désir
Ja la voudrais nue dans la torpeur d’une chambre
paysanne avec ses beaux cheveux sur ses reins moites.
Les sens ne parlent pas toujours aussi haut, mais il y a des heures où l’amour ne va pas sans un peu de perversité ; oh ! très peu. Ici les goûts particuliers du poète, campagnard, familial et pénétré de religiosité, lui donnent un accent spécial. Le souffle sacrilège de Baudelaire et de Verlaine semble bien avoir passé sur le poème Après-midi [1]. La sensualité n’y est pourtant qu’une minute de la vie du poète. Jammes en relève les traces dans son tempérament, comme le psychologue note les accidents de l’âme dont il écrit l’histoire.
- ↑ De l’Angélus de l’aube à l’angélus du soir.