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LES VERLAINIENS

Jammes, que la plupart du temps nous touchons aux choses, mais elles sont pareilles à nous, souffrantes et heureuses [1]. » Elles ont une âme et par conséquent un charme. Aussi Jammes parle-t-il tout ensemble « de la misère, de l’eau, du ciel et de cet enfant ». Les pavés de la route ont des attraits indicibles. Les pierres de l’étable « paraissent belles comme les choses qui sont dans l’ombre ». Au surplus relisez la Salle à manger [2] :

Il y a une armoire à peine luisante
qui a entendu les voix de mes grand’tantes,
qui a entendu la voix de mon grand-père,
qui a entendu la voix de mon père.
À ces souvenirs l’armoire est fidèle.
On a tort de croire qu’elle ne sait que se taire,
car je cause avec elle.

Il y a aussi un coucou en bois.
Je ne sais pourquoi il n’a plus de voix.
Je ne veux pas le lui demander.
Peut-être bien qu’elle est cassée,
la voix qui était dans son ressort,
tout bonnement comme celle des morts.

Il y a aussi un vieux buffet
qui sent la cire, la confiture,
la viande, le pain et les poires mûres.
C’est un serviteur fidèle qui sait
qu’il ne doit rien nous voler.

Il est venu chez moi bien des hommes et des femmes
qui n’ont pas cru à ces petites âmes.
Et je souris que l’on me pense seul vivant
quand un visiteur me dit en entrant :
— Comment allez-vous, monsieur Jammes ?


Cette sentimentalité tourne à l’attendrissement lorsque le poète contemple les animaux. Il professe à leur égard la même dévotion que La Fontaine. Pour lui, ce sont des frères

  1. Des Choses, à la suite de Clara d’Ellébeuse.
  2. De l’Angélus de l’aube à l’angélus du soir.