Corbière, il s’associe à Verlaine pour assouplir le vers et
l’affranchir des « difficultés d’amour-propre », césure, hiatus,
rimes dont s’encombrait la poésie parnassienne. Avec Mallarmé,
il conçoit un art de composition suggestive, plus voisin
de la musique que de la logique, ce qui le conduit directement
à cette phrase synthétique qui exige du lecteur une
collaboration intellectuelle. Par là, il devient le modèle
incomplet mais fiévreux et éclatant des verslibristes, tandis
que sa recherche de l’ingénuité que n’effraie pas la bizarrerie
en fait le père de Francis Jammes.
9. Francis Jammes. — L’ingénuité apparaissait à Rimbaud comme un des éléments de la rénovation poétique. Elle est pour Jammes le principe même de la poésie. Mais alors que Rimbaud se travaille à l’obtenir, Jammes la propose d’un coup et comme d’instinct pour renouveler la poésie française.
Il réclame d’abord pour l’écrivain la liberté la plus absolue. Pas de cénacles, pas d’écoles. Les uns et les autres contrarient la personnalité du poète quand ils ne concourent pas uniquement à la gloire d’un chef plus industrieux que ses disciples : « Il y a eu bien des écoles depuis le monde, mais n’ont-elles pas dénoté toujours chez le fondateur de l’une quelconque d’elles, la vanité de voir se grouper autour de lui des inférieurs qui contribuent à sa gloire ? Dira-t-on que c’est pour préconiser d’une façon désintéressée quelque système philosophique ? Ce serait enfantillage, car tel aime le riz qui déteste le poisson et qu’il n’y a qu’un système, à la vérité, qui est la louange de Dieu.
» Un poète a donc tort de dire à ses frères : vous ne vous promènerez que sous des tilleuls ; ayez bien soin de fuir l’odeur des iris et de ne pas goûter aux fèves : parce qu’ils peuvent n’aimer point le parfum des tilleuls, mais celui des iris et la saveur des fèves [1]. » Il convient de respecter les goûts
- ↑ Un Manifeste littéraire de M. Francis Jammes, V et VI. Mercure de France, mars 1897.