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LES VERLAINIENS


Le triple retour du refrain dans les cinq couplets des Triolets fantaisistes lui permet de rendre sensible la légèreté d’une amante infidèle, tandis que la répétition de la même épithète au début des quatrains de Vocation martèle, dans l’esprit du lecteur, l’exaspération du poète en face des turpitudes de la vie. Ces procédés métriques sont pour Cros un moyen d’atteindre à l’harmonie extrême de la phrase, car là est, en définitive, la plus grande originalité formelle du poète. S’il se risque parfois à des associations de termes qui sont de pur langage symboliste, ainsi que l’indique ce vers du Sonnet [1] :

Pour la neige du cou, l’aurore de la bouche…,


il préfère à cette préciosité hardie du style la musicalité du vers et la mélodie excessive du poème. Il en donne un exemple parfait dans sa Berceuse :

Endormons-nous, petit chat noir.
Voici que j’ai mis l’éteignoir
Sur la chandelle.

Tu vas penser à des oiseaux
Sous bois, à de félins museaux…
Moi rêver d’elle.

Nous n’avons pas pris de café,
Et dans notre lit bien chauffé
(Qui veille pleure).

Nous dormirons, pattes dans bras.
Pendant que tu ronronneras
J’oublierai l’heure.


Il résume là tout ce qu’il apporte de personnel au mouvement poétique : une sentimentalité étrangement mais doucement ironique, un mélange curieux de sensualité et d’idéalisme, la spontanéité d’un esprit inquiet que la vie

  1. A Mme  Fanny A. P.