terre à terre de la vie quotidienne et qui servirait si bien de préface aux fantaisies flegmatiques de Franc-Nohain.
Cette originalité tour à tour mélancolique et caustique est,
chez Cros, servie par un art merveilleux du rythme. Sa
métrique est presque celle des parnassiens. Il n’y a pas chez
lui de ces césures qui déconcertent, exception faite pour l’hexamètre
très démembré qui termine ce quatrain de Morale :
Orner le monde avec son corps, avec son âme,
Être aussi beau qu’on peut dans nos sombres milieux,
Dire haut ce qu’on rêve et qu’on aime le mieux,
C’est le devoir pour tout homme et pour toute femme.
Chez Cros, nul mètre allongé au delà de la coutume, à
moins de considérer comme un grave essai de verslibrisme les
triolets du Hareng saur. Le poète est surtout remarquable
par l’usage qu’il fait de la rime et la consécration qu’il
apporte à des séries de consonnances jugées anormales. Il
aime les pièces écrites tout entières en rimes masculines et
il y rencontre des effets pittoresques, soit qu’il exprime dans
Conclusion — 4 strophes de 3 vers — son désespoir de ne
jamais satisfaire ses aspirations, soit qu’il établisse dans
Destinée — 5 strophes de 4 vers — le but probable de la
vie. La pièce intitulée : Nocturne est également écrite —
16 strophes de 3 vers — en rimes masculines et elle ne
manque pas de charme :
Il me prit dans ses bras nerveux
Et me baisa près des cheveux.
J’en eus un grand frémissement
Et puis je ne sais plus comment
Il est devenu mon amant.
Je lui disais : « Tu m’aimeras
Aussi longtemps que tu pourras. »
Je ne dormais bien qu’en ses bras.
Il prouve ainsi que l’alternance des rimes n’est pas une loi