La sensualité n’est évidemment pas indifférente à son
bonheur. Cros est un disciple d’Horace qui souhaite parmi les
plaisirs modérés de la vie matérielle la suprême satisfaction
de connaître une humanité meilleure :
Une salle avec du feu, des bougies,
Des soupers toujours servis, des guitares,
Des fleurets, des fleurs, tous les tabacs rares,
Où l’on causerait pourtant sans orgies.
Les hommes seraient tous de bonne race
Dompteurs familiers des Muses hautaines
Et les femmes, sans cancans et sans haines[1].
L’expérience se charge d’abattre ces illusions. Les guitares,
les fleurs, les parfums, sont pour les riches ; les femmes
sèment la souffrance. Les hommes de bonne race sont rares
ou inaccessibles. Il n’y a pour le poète dans ce monde
qu’ennui et désespoir :
Les amis dont j’aurais besoin
Et les étoiles sont trop loin.
Je vais mourir seul dans un coin[2].
En attendant, le poète essaie de se consoler. Il a recours
au macabrisme étrange de Baudelaire ; il donne à la Charogne
un pendant qu’il intitule Profanation et une variante,
Paroles perdues, qu’il dédie à Mallarmé. Il tourne encore
du côté de la femme un regard d’espérance et s’oublie à son
adresse à des préciosités quasi-religieuses :
Je voudrais en groupant des souvenirs divers
Imiter le concert de vos grâces mystiques[3],
écrit-il à Mme N…, précédant ici Samain dans son élégant