légendes, des âmes de bagatelles. Il leur ajoute des épithètes qui en varient la signification habituelle : des fadeurs sublimées, des soirs irrésolus. Il emprunte des mots au latin et au langage technique des différents arts, notamment de la musique. Il est vrai qu’il ne dédaigne pas quelques-unes des nouveautés symbolistes. Il fait appel à la dérivation pour les verbes, angéliser, caraméliser, et pour les adjectifs : hiémal, cuivreux, vespéral. Il substantive l’infinitif : aux confins du sentir éperdu, l’adjectif : les verts mélancoliques, l’adverbe : l’ailleurs, l’autrefois. Mais il n’use qu’avec appréhension des archaïsmes et des néologismes. On compte dans son œuvre deux des premiers, nonchaloir et mâle-herbe, et trois des seconds : Attirance, frôlis d’âme, enlacis mourante [1].
Là se bornent les innovations techniques de Samain. Elles
sont du reste si noyées dans la pureté générale du style qu’il
faut les yeux d’un aristarque pour en faire le dénombrement
critique. C’est peu en comparaison des assauts formidables,
des attentats répétés que subirent à cette même époque la
métrique et la langue française. Samain n’était pas né révolutionnaire.
Peut-être n’avait-il pas assez de santé pour cette
rude besogne ? Peut-être avait-il aussi trop de goût. En tous
cas, il est resté un poète suffisamment amoureux des belles
formes pour qu’un Parnassien signalât son œuvre à l’admiration
du grand public, suffisamment prudent pour mériter
par deux fois les couronnes académiques ; voilà pour la
forme. Quant au fond, il reflète le caractère de l’auteur. Si
le poète sourit, Samain est vraiment celui qui
A conçu pour la rose et pour la sensitive
Ces chants, légers frissons de brise qui s’endort…
… Plus pur que le cristal qu’un rayon peut briser
Sur un reflet d’étoile un écho de baiser[2].
S’il est saisi de mélancolie, alors son âme exhale bien,