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LES VERLAINIENS


Le poète assiste l’âme calme au déclin de ses illusions. Il a entendu la hulotte avec sa désolante voix et le chant de l’oiseau sinistre a résumé pour lui la vraie philosophie de la vie :


Tu dis qu’il faut mener son sillon jusqu’au soir,
Remplir l’heure, le jour, la saison et l’année,
Marcher, et ne goûter la douceur de s’asseoir
Qu’après la tâche terminée[1].


C’est-à-dire qu’ici-bas il n’est qu’un moyen de conquérir la paix immense, connaître cette satisfaction qui ne va pas sans lassitude du devoir accompli, et dans l’éternité mériter le bonheur promis au chrétien. Le sage se recueille et, quand il a le privilège d’être poète, non seulement il peut, dans sa tour, n’avoir jamais d’autre soin


Que d’accorder sa harpe à ses intimes fêtes[2],


mais encore il jouit de ce don du ciel qui divinise sa mission, celui qui l’ait du poète l’égal des prophètes :


Le poète est encor prophète et, sous son front,
Avant l’heure il entend ce que, devenus frères.
Se diront au soleil les hommes qui viendront[3].


Tel est le rôle du poète, tel est aussi celui du prêtre. Pour Le Cardonnel, l’art et la religion n’ont qu’un même ministre. Le vrai poète sera celui qui


… s’en ira, semant la Parole céleste,
Et, pour dire le Verbe aux temps qui vont venir
Harmonieusement, il mêlera le geste
D’accorder la cithare au geste de bénir.

  1. L’Avertisseuse.
  2. La Louange d’Alfred Tennyson.
  3. Idem.