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MORÉAS

établies avec la répétition du même mot [1], ou bien elles alternent avec des assonances [2]. D’autres morceaux sont seulement assonances [3] ; enfin des vers à rimes régulières ou à rimes assonancées encadrent des vers blancs [4]. À ces nouvelletés qui ne lui sont pas aussi personnelles qu’il l’assure, Moréas ajoute les licences habituelles à la prosodie du xvie siècle : l’hiatus fréquent et la liberté de l’élision. Le poète se sert de ce dernier procédé pour allonger ou pour raccourcir le vers à volonté. Tantôt en effet il élide une muette devant une consonne, tantôt au contraire devant cette consonne, il compte pour deux syllabes la désinence en ée du participe féminin.

La première édition du Pèlerin passionné est donc un essai plutôt qu’un ouvrage définitif. L’auteur s’y révèle à peu près inapte au symbole. C’est un peintre musicien qui préfère à l’expression des idées philosophiques la traduction d’impressions plus livresques que naturelles. Il se révèle amoureux, galant, mignard et souvent étrangement harmoniste, mais rien de plus. Ses innovations métriques sont plutôt malhabiles ; on y sent trop l’effort, le fait exprès et ses vers libres dérivés de La Fontaine ne sont au fond que des vers réguliers inutilement rallongés pour des effets moins harmoniques que typographiques. Son unique originalité reste dans la langue. Il essaie de restaurer le vocabulaire médiéval et certains tours de syntaxe dont quelques-uns ont une grâce affectée mais curieuse et d’un effet sûr en poésie. Sur le terrain philologique, Moréas se sent hors de pair. Aussi est-ce de ce côté qu’il va faire porter tout son effort et là sera le caractère essentiel de sa troisième manière.

3. Mieux qu’aucun critique il a constaté d’abord que la philosophie symboliste lui est moins familière que la conception

  1. L’Investititure.
  2. L’Historiette, Trophée, Galatée.
  3. Cartet, Passe-temps, Épigrammes.
  4. Autant en emporte le vent : Épitre.