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MORÉAS

la divine surprise toujours neuve, ce qui est le charme essentiel de la poésie.

« En résumé, dit Moréas au lecteur, tu trouveras dans le Pèlerin passionné, en même temps que d’aucunes miennes nouvelletés instaurées, les coutumes de versification abolies par la réforme tempestive à son heure peut-être, mais, insolite de Malherbe. » Les nouvelletés suffisent à indiquer qu’il ne veut pas transposer simplement dans notre littérature la métrique du xvie siècle. Il l’accommode par elles au goût contemporain. Ainsi dans la prosodie, comme dans le style, il rétablit « la communion du moyen âge français et de la Renaissance française fondus et transfigurés en le principe de l’âme moderne ».

Au fond, ce révolutionnaire n’est qu’un réactionnaire. Ses idées, il les demande au moyen âge ; sa langue, il la reprend au xvie siècle ; sa métrique, il la découvre dans la Pléiade. Ses audaces sont déjà chez Ronsard, chez Lafontaine et chez Labruyère. Il n’innove pas, il restaure, et la tradition est, avant la liberté, le grand principe de sa réforme. Le Pèlerin passionné réalise en partie ce programme ; il va permettre à l’auteur de constater à pied d’œuvre la valeur de ses théories.

Ainsi qu’il l’indique dans sa préface, il n’y faut pas chercher d’idées. Ces poèmes n’ont rien d’abscons et Moréas eût borné là sa production poétique qu’on se serait toujours demandé s’il avait jamais réfléchi, sur quelque chose. Pas un poème du Pèlerin passionné ne traite d’un point philosophique. Ce sont ou d’adroits pastiches ou d’aimables chansons dont quelques-unes révèlent un exotisme bizarre. Voici des pastiches de l’antiquité : l’Églogue à Madame, souvenir de Théocrite, Galatée qui rappelle Virgile, Sauvons nous du souci d’un jour, une imitation d’Horace et de Properce. Voici des pastiches de la littérature médiévale : l’Églogue à Francine, du Ronsard retouché ; l’Églogue à Verlaine, un morceau rajeuni de la Pléiade. A côté de ces essais qui