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MORÉAS

Mélusine donne un modèle achevé du vers de neuf syllabes. L’ancienne métrique est bien ici avivée. L’ancien rythme est désarticulé, mais le principe prosodique n’est pas changé. L’harmonie du vers repose toujours sur le nombre des syllabes. Dans ces deux ouvrages, Moréas ne se révèle, en définitive, que comme un rénovateur prudent et de la pensée et de la forme ; il est plus peintre, plus musicien que penseur ; il est plus artiste que révolutionnaire.

2. Son talent va d’ailleurs se modifier. Moréas est intimement persuadé que l’évolution est la grande loi des littératures et qu’un poète n’arrive pas du coup à saisir toute la vérité. Son manifeste débutait par ces considérations de haute sagesse. C’est pourquoi lui-même se soumet d’abord à la grande loi d’évolution. Sa deuxième manière n’est pour lui qu’un moyen de développer ses réformes, d’en reconnaître les erreurs et de s’avouer révolutionnaire à rebours. Il ne demande plus, à l’avenir, de vivifier la poésie française. Il la précipite dans le passé, comme dans l’unique et bienfaisante fontaine de Jouvence.

La préface du Pèlerin passionné est le manifeste de cette nouvelle manière. Il y insiste assez peu sur le « Pur concept ». Il a parfaitement senti que l’obscurité lui réussissait mal, et dès 1889, dans les Premières armes du symbolisme, il s’est empressé de répudier « l’Inintelligible, ce charlatan ». Très habilement, il prévient le lecteur qu’il ne doit pas rechercher dans le Pèlerin passionné « une Idée se voulant son but à elle-même ou un sentiment répercuté dans son sens immédiat ». Ce serait mésestimer de l’art en sa totalité et du sien en son essence. Il veut simplement prouver quel relief apporte une forme musicale à la suggestion d’une émotion, montrer « en quelle manière une sentimentale idéologie et des plasticités musiciennes s’y vivifient d’une action simultanée ».

La réforme de la langue le passionne davantage. Déjà