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LE SYMBOLISME

archétype et complexe. Si les figures de rhéthorique sont nuisibles à l’expression adéquate de ce symbole, les figures de grammaire lui sont indispensables. Il faut suggérer par la complexité de la syntaxe, ce que jadis on expliquait par la redondance de la phrase. Il faut une langue libre et profondément variée. « La période qui s’arcboute doit alterner avec la période aux défaillances ondulées. » A la contention volontaire du style doit succéder la paresse instinctive et la mollesse alanguie de l’expression. Il convient de ne négliger ni les pléonasmes significatifs, ni les mystérieuses ellipses, ni l’anacoluthe en suspens, ni les tropes hardies et multiformes. Plus de poncifs, encore moins de clichés : une langue spontanée, toujours neuve, toujours fraîche, indépendante de ces règles qui, depuis la tyrannie des Malherbe, des Vaugelas et des Boileau, anémient la forme littéraire. L’écrivain doit avoir le droit de conserver ces expressions pittoresques, ces trouvailles expressives qui sont la marque du génie. Le symbolisme réclame « d’impollués vocables » ; on ne les rencontrera qu’en instaurant et en modernisant « la bonne et luxuriante et fringante langue française, celle de François Rabelais et de Philippe de Commines, de Villon, de Rutebeuf et de tant d’autres écrivains libres et dardant le terme acut du langage, tels des toxotes de Thrace, leurs flèches sinueuses ».

De même qu’il est urgent de libérer la langue, il est nécessaire de libérer le vers. Moréas énumère les conditions essentielles de cette libération : « L’ancienne métrique avivée ; un désordre savamment ordonné ; la rime illucescente et martelée, comme un bouclier d’or et d’airain, auprès de la rime aux fluidités absconses ; l’alexandrin à arrêts multiples et mobiles ; l’emploi de certains nombres premiers 7, 9, 11, 13, résolus en les diverses combinaisons rythmiques dont ils sont les sommes. » Ces innovations sont l’aboutissement logique des réformes inaugurées par Victor Hugo, mais que le maître n’a pas osé achever, conseillées ensuite par Ban-