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VERLAINE


Sauf certains cas voulus, il est impossible de citer d’eux des rimes « blâmables dans l’outrance ». Chez Banville, qui rime très richement, il n’y a rien à reprendre et dans son œuvre nulle rime ne se trouve « qui ne soit rigoureusement judicieuse ». Aussi Verlaine de conclure : la rime est indispensable à notre art français [1]. C’est un mal nécessaire dans une langue peu accentuée, la rime suffisante pour le moins.

Quant à l’assonance Verlaine l’autorise, mais à condition de ne pas vouloir la substituer en tout et partout à la rime. « Adoptée dans la littéralité » l’assonance serait un souci musical tout aussi gênant que la rime, mais combien inférieure à elle en pureté, en noblesse et en son. Verlaine raconte à ce propos une anecdote relative à sa Ballade en l’honneur de Louise Michel [2]. Il s’est permis là une assonance en faisant rimer Faucille et Cécile, mais il s’empresse d’ajouter : « Que ceci ne serve pas d’exemple ».

Il y a donc pour Verlaine nécessité absolue de respecter le vers dans son nombre essentiel. Pas de vers myriapodes ; emploi de la rime avec tolérance assez large, allant à titre exceptionnel seulement jusqu’à l’assonance.

Cette réaction contre les exigences de la rime et cette admission renouvelée de l’assonance n’étaient des actes ni de révolutionnaire, ni de précurseur. Verlaine, du seul point de vue rythmique avait donc d’autres droits à la reconnaissance de la nouvelle école. C’est qu’en effet dans le cadre traditionnel du vers français, il a moins inauguré des hardiesses inaccoutumées que repris et multiplié souvent à l’excès les libertés risquées par ses devanciers. Après Malherbe, qui en avait commis quelques-uns [3], après les poètes de la Pléiade, après Banville qui avait essayé de les rajeunir, Verlaine, emploie les vers de 9, 11 et 13 syllabes. Il en use avec une telle maîtrise qu’il les fait passer dans les habitudes de la

  1. Épigrammes, II, 2.
  2. Amour.
  3. Cf. la Chanson IV de l’édition Blanchemain.