Page:Barre - Le Symbolisme, 1911.djvu/198

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
182
LE SYMBOLISME

delaire n’avait guère appliqué qu’aux accidents d’une immonde réalité.

5. Peut-être Verlaine eût-il eu plus de succès parmi les jeunes, et sur le tard n’eût-il pas vu s’éloigner de lui ceux qui l’avaient d’abord encensé, s’il avait davantage affecté des sentiments anormaux, mais l’originalité de son tempérament lui défendait pareille attitude. Non que la gloire lui fût indifférente ; s’il méprisait les foules « infâmes d’idiotie en haut et folles par en bas », il attendait comme récompense de son effort « l’amitié du jeune et l’estime du vieux lettrés qui sont au fond les seules belles âmes ». Toutefois, pensait-il, avant la gloire, avant la renommée ou la simple réputation dans les petits cénacles, le devoir du poète est de réaliser le don qu’il a reçu de Dieu, c’est-à-dire de faire un ou plusieurs livres où il se révèle sans morgue et sans pose tel qu’il est, bon et mauvais, sublime et méprisable. Verlaine ne réclame pas à Dieu de plus grand bienfait ; il sera satisfait s’il peut édifier :

Une œuvre où s’attestât toute [s] a quantité,
Toute, bien, mal, la force et l’orgueil révolté
Des sens et leur colère encore qui sont la même
Luxure au fond et bien la faiblesse suprême
Et la mysticité, l’amour d’aller au ciel
Par le seul graduel du juste graduel
Douceur et charité, seule toute-puissance.


Alors, s’adressant à Dieu le poète s’écrie :

Tu m’as donné ce don et par reconnaissance
J’en use librement, qu’on me blâme, tant pis.
Quant à quêter les voix, quant à tâter les pis
De dame Renommée, à ses heures marâtre,
Fi ![1]

  1. Bonheur, XXII.