Il ne faut pas insulter au Néant, car le néant est l’habitacle
de l’espérance ; le chrétien respecte la mort : au delà
d’elle, il sait qu’il y a de tendres et de pures consolations. Le
macabrisme n’est pas donc pour Verlaine une formule d’art.
Il n’y voit qu’un moyen de rendre des impressions violentes
ou détestables et il n’en use guère que pour traduire des
obsessions hallucinantes. Un Pouacre
[1] symbolise les remords
du passé :
Tout mon remords, disons tout mon passé,
Fredonne un tralala folâtre…
Avec les doigts d’un pendu déjà vert
Le drôle agace une guitare
Et danse sur l’avenir grand ouvert
D’un air d’élasticité rare.
Il n’y a pas que ténèbres dans le Baudelairanisme de
Verlaine. Le passé projette quelques ombres, mais l’avenir
reste grand ouvert. Verlaine n’exagère donc son réalisme
que sous l’empire de sensations trop fortes. Il s’y résigne
encore pour décharger son cœur d’une indignation véhémente ;
il est vrai qu’alors il évite toute couleur funèbre :
La gueule parle : « L’or et puis encore l’or,
Toujours l’or, et la viande et les vins, et la viande,
Et l’or pour les vins fins et la viande, on demande
Un trou sans fond pour l’or toujours et l’or encore. »[2]
Ces procédés sont rares chez Verlaine ; il s’est assez vite dégagé de toute affectation consciente de satanisme ou de macabrisme. La filiation n’est pas douteuse entre Baudelaire et Verlaine. Le second suppose le premier, mais le fils tout en héritant des habitudes paternelles, ne fréquente plus le même monde. Baudelaire est un pervers réaliste ; Verlaine un pervers idéaliste. Il a transposé dans le domaine de la rêverie spiritualiste des procédés d’interprétation que Bau-