Page:Barre - Le Symbolisme, 1911.djvu/183

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
167
VERLAINE



… évoquant en ses vœux dont peut-être on sourit,
La compagne qu’enfin il a trouvée, et l’âme
Que son âme depuis toujours pleure et réclame[1].


Les brutales caresses de la chair le laissent alors plus indifférent que cette tendresse indéfinissable et mystérieuse qui dans les pures amoui’s ravissent l’àmc au-dessus de la réalité. Il songe aux yeux de sa fiancée et il se souvient qu’ils savent éveiller « le désir étrange d’un immatériel baiser [2] », L’innocence de la vierge le transporte d’ardeur ; il admire sa coquetterie naïve [3] ; il fait des promesses ; il multiplie les serments :

Car je veux maintenant qu’un Être de lumière
A dans ma nuit profonde émis cette clarté
D’une amour à la fois immortelle et première
De par la grâce, le sourire et la bonté[4].


S’éloigne-t-il, il est en proie aux maux charmants de l’absence, au soupçon, au doute [5]. Il se lamente sur la bestialité qui préside aux unions de son époque et n’aperçoit le bonheur que dans l’union des âmes :

Nous sommes en des temps infâmes
Où le mariage des âmes
Doit sceller l’union des cœurs[6].


Aussi avec quelle mélodie prenante évoque-t-il la séduction de cet idéal que réalise sur la terre une femme aimante, intelligente et bonne :

J’ai fait souvent ce rêve étrange et pénétrant
D’une femme inconnue et que j’aime et qui m’aime,
Et qui n’est chaque fois ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre et m’aime et me comprend[7].


Avec quelle mélancolie attendrie, il se souvient de l’épouse

  1. La Bonne chanson, I.
  2. La Bonne chanson, II.
  3. La Bonne chanson, IX.
  4. La Bonne chanson, IV.
  5. La Bonne chanson, X.
  6. La Bonne chanson, XVIII.
  7. Poèmes saturniens. Mon rêve familier, VI.