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VERLAINE


Toutes, oui, je vous aime, oui, femmes, je vous aime[1].


Aussi, ses opinions sur la femme ne diffèrent-elles guère de celles des grands amoureux. Au plus fort de sa démence, le poète se rend compte du rôle exact de cette ennemie dans l’existence de l’homme :

La Femme et juste assez, c’est le pain et le vin[2].


Elle est ce qu’il y a de meilleur, à condition d’user avec elle de modération, de savoir contenir ses propres élans et d’éviter de se soumettre pieds et poings liés à son autorité. Car la douceur féminine est un piège. Elle dissimule la certitude de la victoire, l’emportement du triomphe :

O la femme ! Prudente, sage, calme ennemi,
N’exagérant jamais ta victoire à demi
Tuant tous les blessés, pillant tout le butin
Et répandant le fer et la flamme au lointain.
Ou bon ami peu sûr, mais tout de même bon,
Et doux, trop souvent, tel un feu de charbon
Qui berce le loisir, vous l’amuse et l’endort,
Et parfois induit le dormeur en telle mort
Délicieuse par quoi l’âme meurt aussi[3].


Le poète consent à sa défaite, mais il ne succombe pas sans imprécation :

Mais quoi ! n’est-ce pas toujours vous,
Démon femelle, triple peste,
Pire flot de tout ce remous,
Pire ordure que tout le reste !

Vous toujours, vil cri de haro
Qui me proclame et me diffame,
Gueuse inepte, lâche bourreau,
Horrible, horrible, horrible femme ![4]


Pourtant, ce cri de haine est plutôt un dernier sacrifice à la

  1. Dédicaces. Quatorzains pour toutes, XL.
  2. Elegies, III.
  3. Amour. Lucien Létinois, III.
  4. Bonheur, XIII.