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LE SYMBOLISME

expose longuement et dans un style aussi léger qu’incisif, à la suite de quelles expériences ou aventures s’est formé le génie de Floupette.

Floupette (Joseph-Chrysostome-Adoré) est né le 24 juin 1860 près de Lons-le-Saulnier. Il n’est donc pas Auvergnat. Son père a été quelque chose dans les vins et liqueurs. Sa mère, excellente ménagère, était experte aux confitures de groseilles et de raisiné. L’année 1873 le trouve élève au lycée de Lons-le-Saulnier : « Il est joufflu comme un chérubin et rose comme une pomme d’api, avec un nez en pied de marmite, de gros yeux ronds à fleur de tête et un ventre rondelet. » Il se montre mauvais élève, non qu’il soit mésintelligent, mais parce qu’il ne veut pas travailler. « Il est trapu en dedans ». Sur les bancs de l’école, alors que la muse le taquine, il commence par avoir le culte de la périphrase comme tout bon classique. Il décrit par exemple une tempête dans la meilleure manière de Delille. Puis il admire Lamartine, Victor Hugo, Musset, Vigny, Racine est en revanche considéré comme un polisson et avec lui tout le classicisme. « Rien de plus mortellement ennuyeux que le ron-ron classique avec ses périodes solennelles qui se font équilibre comme les deux plateaux de la balance et les trois unités et ces confidents qu’on dirait tous taillés sur le même modèle par un fabricant de marionnettes en bois. » Du coup, Floupette devient Jeune France, Moyen Age, Truand. Il porte des souliers pointus à la poulaine. Il se coiffe à l’enfant. Il jeûne, il boit du vinaigre pour avoir cet air fatal et ravagé si nécessaire à tout romantique qui se respecte. Après avoir commis force poèmes genre Lamartine, genre Victor Hugo et genre Musset, l’auteur des Nuits l’incite à faire tous les mois une visite discrète dans certaine maison également très discrète. Il est cependant reçu bachelier. Le voilà qui part aussitôt pour Paris, nanti par son père de mille recommandations pour son ami et correspondant, l’épicier Félix Potin. Dans la capitale, Floupette change ses dieux. Lamar-