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LE SYMBOLISME ET LA PRESSE

langage est une orchestration. Les mots n’ont plus besoin de signifier quelque chose. Les dictionnaires s’engorgent de néologismes. Les syntaxes sont chavirées, la tête en bas. Les méthodes s’en vont au diable. Prosodies et métriques s’envolent en fumées. Les rythmes et les cadences se perdent dans les cacophonies. Les rimes font place aux assonances. La césure abandonne l’alexandrin qui ne sait plus s’il est poésie ou s’il est prose. Les phrases n’ont plus ni axe, ni pôles, ni extrémité, ni milieu. Le vieux français, l’argot, le jargon, l’amphigouri, le grec, le latin, l’hébreu, la langue romane, la langue verte aussi, tout s’entremêle et s’entremange. Le rébus et le phœbus, l’ithos et le pathos vont crescendo. Les barbarismes bondissent de tous les côtés, comme des volées de mouches folles et s’agglomèrent par pelotons dans les cervelles. Les idées éperdues se noient dans les galimatias, et c’est un tohu-bohu général d’insanités à scandaliser Bicètre ou Bedlam [1]. »



  1. La Réaction littéraire, par Henri Belliot (l’Observateur, 21 avril 1891).