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LE SYMBOLISME ET LA PRESSE

rendre. Aujourd’hui, la littérature, après s’être appropriée les moyens de la peinture, tend maintenant à s’emparer des moyens de la musique. Les symbolistes ne font que réaliser dans les lettres ce que Puvis de Chavannes, Gustave Moreau, les primitifs et les préraphaélites ont réalisé en peinture, Wagner en musique. Tous se ressemblent par un certain air d’indétermination, de mystère : « Sur un thème initial donné très général et très vague, ce sont autant de variations qui ne gênent pas, qui ne limitent point, qui favorisent au contraire, en en multipliant la puissance, la liberté du rêve et l’épicuréisme de l’imagination. » Les symbolistes sont donc les « profiteurs » d’un mouvement auquel ils n’ont pas donné le branle. Il faut penser d’eux un peu de bien et beaucoup de mal, avoir à leur égard quelques espérances et de nombreuses craintes. Les symbolistes ont eu tort d’oublier que s’il y a quelque chose au delà de la nature, nous ne saurions l’exprimer qu’avec des moyens qui sont de la nature. Ils ont eu tort de mépriser l’observation et de croire, sur les traces d’Hoffmann, d’Edgard Poe et de Baudelaire, que l’art consiste à sortir de la nature. Ils ont eu tort aussi en se séparant de l’école du vers bien fait et de la rime riche, de s’en être trop séparé. On ne saurait être écrivain sans un peu de grammaire, on ne saurait être poète sans un peu de métrique et de métier. Il faudrait encore faire grief aux symbolistes de vouloir transformer les violations de la règle en règles nouvelles. Le respect de la forme les gêne. Hypnotisés dans la contemplation des vocables et même des lettres, ils ont perdu le sens de la phrase, de la strophe, et à plus forte raison celui des ensembles. En oubliant ces préceptes élémentaires de tout art durable, ils ont rendu plus profonde la séparation de l’art et de la vie. Or, la littérature de l’avenir ne peut être qu’une traduction de la vie, une forme même de l’action. Et puis, l’amour-propre vraiment excessif des symbolistes risque de transformer la littérature en chinoiserie et il vaudrait mieux, « dans ce cas, auner de la