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LE SYMBOLISME

les décadents eux-même. Aujourd’hui, la doctrine décadente peut-être combattue plus utilement que par des moqueries et des injures. Il est intéressant d’étudier « avec impartialité une tentative après tout très honorable ». Cette introduction est trompeuse. L’auteur s’apprête lui aussi à rire et à faire rire. Il analyse en effet l’influence de Baudelaire, résume les conceptions d’Arthur Rimbaud, de Mallarmé, de Verlaine, de Ghil et de Gustave Kahn. Il se moque de certaines poésies ou de certaines images qui lui paraissent le comble de l’absurdité et prouve par voie de conséquence l’inanité du symbolisme. Incidemment, il traite Gustave Kahn « d’ancien négociant qui a abandonné le commerce paisible de la flanelle pour les luttes plus ardentes de la littérature symbolique ». Après quoi, il entreprend d’étudier comment, passant de la théorie à la pratique, les symbolistes ont été amenés à faire choix, pour traduire leurs impressions, de vocables si souvent étranges et de locutions imprévues. Au point de vue du langage, le symboliste ne peut écrire pour la foule dans la langue de tout le monde. Le vocabulaire symboliste est une langue à part, dérivée de la langue française et des langues mères qui s’apprend comme la notation algébrique. C’est un jeu de patience et de culture intellectuelle. Pour ce qui est des rythmes bizarres, de la manie qui consiste à ne pas mettre de majuscules au commencement du vers et à en gratifier au contraire certains mots suivant l’importance qu’ils ont à leurs yeux, des procédés elliptiques et de la recherche excessive des onomatopées, ce sont là choses destinées surtout « à étonner le bourgeois ». S’il faut reconnaître que les décadents ont apporté d’heureuses innovations, telles qu’une coupe plus hardie du vers, un sentiment incontestable du son musical de la phrase, on ne peut approuver leur tentative de créer des vers de treize pieds ou ne rimant que pour l’oreille ou même ne rimant pas du tout. Un autre défaut des symbolistes, c’est la tournure allemande qu’ils donnent à leur phrase. On les a aussi accusés de ne pas marcher avec