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LE SYMBOLISME ET LA PRESSE

qu’on peut dire de la lumière criarde. » Et il ajoute : « Depuis Baudelaire, deux maîtres, Mallarmé et Verlaine, ont caractérisé deux tendances : le premier tend plutôt au symbole, le second à la musique. »

La conclusion des assistants est celle-ci : « Baudelaire, Mallarmé, Verlaine, Moréas, Ghil sont des fumistes ; les décadents sont les premiers à ne rien comprendre à la décadence. »

Ces méchancetés étaient trop superficielles pour inquiéter les poètes de la jeune école ; elles n’avaient même pas le mérite d’une exactitude scrupuleuse [1].

14. Presque un an après, Maurice Peyrot revint à la charge dans la Nouvelle Revue du 1er décembre 1887. Les décadents ont étonné au début, explique ce critique ; mais il y a véritablement chez eux une formule d’art et ce ne sont point « les fumistes » qu’on se plaît à représenter. Ayant un jour déclaré que le parnasse et le romantisme devenus caducs devaient être abandonnés pour l’inanité de leur idéal, le pédantesque étalage de leurs vocables, le rococo de leurs décors et le lourd symbolisme de leurs mythes, les symbolistes ne crurent pas que le naturalisme devait être la formule littéraire de l’avenir ; ils virent dans Baudelaire un maître, et dans les Fleurs du Mal le chef-d’œuvre où tous devaient puiser leurs préceptes et leurs exemples. On railla beaucoup ces néophytes, on leur donna mille épithètes blessantes et après avoir flétri leur tentative du titre injurieux de « cabale des impuissants », on décida gravement qu’ils étaient fous et l’on organisa contre eux la conjuration du silence. Les décadents tinrent bon. Quelques grands journaux leur ouvrirent leurs colonnes ; ils publièrent des revues, écrivirent des livres et, chose plus rare, découvrirent un éditeur, Léon Vanier, qui voulut bien être plus décadent que

  1. Cf. sur celle conférence la Plume, n° 34, 15 septembre 1890, et comparez le récit qu’en fait Édouard Dubus.