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LE SYMBOLISME ET LA PRESSE

jouissances licites et être en quête de sensations nouvelles… Les valets, les ouvriers, sont regardés par eux comme des accessoires automatiques de la vie bourgeoise et considérés inaptes à jouir des raffinements indispensables aux classes supérieures. » Singulière anomalie n’est-ce pas pour des gens qui se posent en révolutionnaires. Il est vrai que l’affirmation d’un décadent ne saurait engager tous les autres. Néanmoins il est constant que tous ces révolutionnaires en littérature ou presque tous font profession de catholicisme, de kabbalisme même et se proclament plus royalistes que le comte de Paris. Ce qui est piquant, c’est que la plupart de ces fervents spiritualistes sont des affolés de la chair. Autre illogisme : ils se vantent de n’écrire que pour quelques initiés, pour eux seuls presque, et cependant ils prétendent bouleverser toute la littérature. Si leurs espérances se réalisaient, au profit de qui et de quoi se réaliseraient-elles ? En résumé, les symbolistes se divisent eu deux catégories également méprisables. Ceux qui ne sont pas tout à fait des illuminés ne sont que de curieux amateurs épris des fantaisies les plus étourdissantes. Les autres sont des « casseurs de vitres » qui aiment le tapage parce que le tapage attire l’attention. La littérature décadente et symboliste n’est donc pas celle que le monde attend. Les symbolistes avec leur langue torturée, précieuse, recherchée ne seront jamais compris, même de la partie la plus éclairée de la foule. L’influence qu’aura eue la passagère poussée décadente sera peut-être d’avoir quelque peu réveillé les passions littéraires endormies ; le résultat, quelques heureuses expressions hors d’usage repêchées de l’oubli et par l’excès même de la recherche de la forme une plus grande précision, une plus grande vigueur, apportée dans l’art l’écrire. Les décadents fournissent donc à la littérature un stimulant. Il faut tenir compte de leur tentative très honorable, discuter ceux qui ont du talent, quand ce ne serait qu’un talent d’érudition, les combattre courtoisement s’il y a lieu, et non