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LES MILIEUX SYMBOLISTES


Ce serait pourtant pécher par défaut que d’adopter à la lettre cette classification des symbolistes. Sans doute il y a plus de clarté à répartir ainsi les nouveaux poètes, mais il ne faut pas oublier que cette division en groupes a eu plus d’utilité pratique que théorique. Les écrivains, qui à de certaines dates ont laissé leur nom figurer dans telle ou telle école, accordaient plus à l’amitié ou aux nécessités de l’heure présente qu’au principe même d’une esthétique définie. Ils soutenaient de leur influence un mouvement qui, d’assez loin parfois, contribuait au triomphe de leurs propres idées. De là, parmi les membres d’un même groupe, des divergences considérables, des contradictions ouvertes, des critiques catégoriques. D’après la Wallonie [1] les symbolistes ne se diviseraient qu’en deux fractions : Les mélodistes avec Verlaine, Laforgue, Corbière, Kahn ; les harmonistes avec les rédacteurs des Écrits pour l’Art. Tout dépend du point de vue auquel on se place et comme il y a en symbolisme infiniment de points de vue, suivant qu’on envisage la philosophie, la métrique, la syntaxe ou la langue du poète, il y a infiniment de catégories. En dépit des cénacles dont l’existence est indéniable, il est patent que les groupements n’ont eu pour les poètes qu’un intérêt de combat. Ils ont été un agent de succès, en donnant à un idéal commun cette puissance de cohésion indispensable pour forcer l’attention. En dehors de cet avantage tactique, les écoles n’ont jamais étouffé le tempérament du poète.

L’individualisme est au fond le signe essentiel du symbolisme. On s’est enrôlé sous une bannière, simplement parce qu’une troupe est toujours plus forte qu’un homme ; mais sortis de la lice, les lutteurs ont repris leurs habitudes et n’ont guère écouté que la voix de leur propre cœur. C’est pourquoi il y a autant de définitions du symbolisme que de

    Jeune Littérature, par Léon Deschamps. — Entretiens politiques et littéraires, 1890, t. I, p. 137 : Émile Goudeau, l’Individualisme.

  1. La Wallonie, 1887, t. II, p. 237.