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LES MILIEUX SYMBOLISTES

décadence. Leur programme pouvait ainsi se définir : « Décadents désigne un groupe de jeunes écrivains écœurés du naturalisme et cherchant la rénovation de l’art. À la vérification plate et monotone des parnassiens, ils ont substitué une poésie vibrante et sonore où l’on sent passer des frissons de vie. Ils ont supprimé tout le verbiage des vieilles littératures au profit de la sensation et de l’idée. Leurs livres sont des quintessences. Être décadent, c’est être sceptique, c’est accepter tous les progrès de la civilisation[1]. »

Le groupe réunissait les noms de Paul Verlaine, Anatole Baju, Maurice Du Plessys, Laurent Tailhade, Léo d’Arkaï, Albert Aurier, Ernest Raynaud, Jean Lorrain, F. A. Cazals, Boyer d’Agen, Louis Pilate de Brinn’Gaubast, Jules Renard et Arthur Rimbaud (dans ses œuvres apocryphes fabriquées par Tailhade, Du Plessys et Raynaud).

De ce cénacle se sont évadés vers 1886 les Symbolistes, avec un programme moins élastique, plus conforme aux théories générales de Mallarmé ou de Jean Moréas. Il est assez difficile de faire ici un classement exact. Au banquet offert à Moréas, après la publication de son Pèlerin passionné, l’enthousiasme paraissait avoir converti d’un coup à la nouvelle esthétique toute la poésie française. Il n’y avait alors que des symbolistes. Ceux-là même approuvaient et applaudissaient qui plus tard devaient se séparer avec éclat. Le caractère symboliste n’est vraiment avoué à cette époque que par Moréas, Gustave Kahn, Paul Adam, Charles Vignier, Jules Laforgue, Théodore de Wyzeva, Henri de Régnier, Vielé-Griffin.

La même année 1886 vit la formation d’un nouveau cénacle, l’École symbolique et harmoniste, avec René Ghil, Stuart Merrill, Charles Morice, Victor Margueritte, Louis Le Cardonnel, Ephraïni Mikhaël, Rodolphe Darzens, Pierre Quil-

  1. A. Baju, Décadents et Symbolistes (Le Décadent, 15-30 novembre 1888).