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vaise éducation, il dissipa tout son bien par libertinage, prit le parti des armes ; & se dégoûtant bientôt de ce métier, il vint à Athenes sur la foi de l’Oracle de Delphes, & il y étudia pendant 20 ans sous Platon avec tout le succès qu’on devoit attendre d’un genie supérieur. Après la mort de ce Philosophe Aristote fut appellé à la Cour de Philippe pour veiller à l’éducation du jeune Alexandre. Il avoit été destiné à cet important & glorieux emploi dès le moment de la naissance du Prince par une Lettre qui fait autant d’honneur à Philippe qu’à Aristote. Il demeura quelques années dans cette Cour, occupé à enseigner à son auguste éleve tout ce qui pouvoit former un grand Roi, & il revint à Athenes lorsque ce Prince partit pour l’expédition d’Asie, où ce Philosophe ne crut pas devoir l’accompagner. Il fut reçu dans cette ville avec la plus grande distinction, & on lui donna le Lycée pour fonder une nouvelle Ecole de Philosophie. Le concours des Auditeurs fut extraordinaire : le matin il enseignoit la Philosophie & le soir la Rhétorique ; & comme il donnoit ordinairement ses leçons en se promenant, ses disciples furent appellés Peripateticiens. Le merite supérieur du Philosophe excita l’envie contre lui ; elle n’osa éclater


du vivant d’Alexandre que l’on savoit aimer tendrement son Maître, & qui avoit coutume de dire qu’il devoit le jour à son Pere & à son Maître la science de se bien conduire, & que s’il regnoit avec gloire, il en avoit toute l’obligaion au dernier. Mais après la mort du Conquérant ses ennemis s’éleverent de concert contre lui, & par le ministere d’un Prêtre de Ceres qui voulut bien servir leur haine, ils l’accuserent d’impiété devant le luge ; comme cette accusation pouvoit avoir des suites facheuses & que l’exemple de Socrate étoit encore récent, le Philosophe ne crut pas devoir attendre le succès du jugement, & il se retira secrettement à Chalcis dans l’île d’Eubée. Ses amis firent de vains efforts pour l’arrêter : Empêchons, leur dit-il en partant, qu’on ne fasse une nouvelle injure à la Philosophie. Il faisoit allusion à la mort de Socrate. Après avoir quelque tems soutenu son infortune, ce Philosophe mourut, soit du chagrin de n’avoir pu comprendre le flux & le reflux de l’Euripe ce qui est peu vraisemblable, soit en se précipitant dans cette mer en disant : que l’Euripe m’engloutisse, puisque je ne puis le comprendre ce qui l’est encore moins, ou ce qui paroit plus probable d’une colique, en la soixante troisieme année de son âge, & 2 ans


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