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au cœur, l’Émir qui voulait qu’elle chantât, tandis qu’elle, debout, les yeux baissés et semblant fermer ses paupières sur une image frémissante, restait plusieurs minutes à répéter en esprit sa chanson pour elle seule. Il la contemplait. Elle assemblait ses forces et faisait le plein dans son cœur. On eût dit un aiglon qui va risquer son premier vol. Quelle présence de la jeunesse, de la beauté et de tout ce qu’il y a de pur dans le monde ! Son sourire d’azur et d’argent avait l’éclat de la mer, le matin, quand elle se brise au rivage du Liban. Deux femmes debout derrière elle semblaient prêtes à la retenir, soit qu’elle s’évanouît, soit qu’elle voulût regagner trop tôt le ciel des péris, et avec des mots de nourrice l’encourageaient, tandis qu’elle paraissait dire :