Page:Barrès - Un jardin sur l’Oronte, 1922.pdf/220

Cette page n’a pas encore été corrigée

quille et passe sur mes traits, dans mes yeux, sitôt que mon âme se détourne fugitivement, tu le sais : tu lis ce qui se passe au dedans de moi, tu pressens ce que je vais penser et tu m’empêches que je ne veuille le dire. Comme on tirerait sur le licol d’un animal domestique, tu tires sur mon amour et me remets dans le sentier d’où je voulais m’échapper. Pendant deux heures, tu m’obliges à être heureux, frivole, oublieux. Mais à peine es-tu partie, je reprends mon vagabondage de tristesse. Nul de mes griefs n’est mort, ils se redressent sitôt que j’échappe au feu de ton regard et à l’harmonie de ta voix. Sûrement quelque part, dans cette vie d’où je suis banni, de quelle manière, je l’ignore, avec quel sentiment, je m’épuise à le rechercher, tu me renies